Impératrice Odette 1re Carnaval Granville 1923Impératrice Odette 1re Carnaval Granville 1923
©Impératrice Odette 1re Carnaval Granville 1923|Musée d'art et d'histoire de Granville
Les grandes datesdu Carnaval de Granville

Carnaval, le jour où…

Vous êtes-vous déjà demandés comment le Carnaval de Granville est né ? Comment il a grandi, maturé au fil du temps ? Et quels changements, quelles dates majeures auront marqué ses 150 ans d’existence ? Ensemble, remontons le cours de son histoire pour découvrir le jour où…

On annonça l'organisation d'une GRRRRANDE CAVALCADE

La tradition du carnaval à Granville n’est plus toute jeune. Selon certains écrits de l’époque, on festoyait déjà à mardi-gras dès le XVIe siècle. Ce sont les marins terre-neuvas, cependant, qui ont réellement popularisé le concept : chaque année, avant leur départ pour les bancs de morue, les pêcheurs organisaient une grande fête afin de rigoler, danser et boire ensemble. La gaieté de ces festivités a d’ailleurs perduré et se retrouve encore dans le carnaval d’aujourd’hui.

Notre carnaval, d’ailleurs, on le doit beaucoup à ces marins, mais aussi et surtout à une « foule de jeunes gens » qui, pour reprendre les paroles d’un journaliste de cette époque, est « désireux de s’amuser et de faire du bien aux pauvres ». Dans cette optique, une GRRRRANDE CAVALCADE est donc organisée par la toute première commission du carnaval, fixant la date de l’évènement au 7 février 1875. Cette fête de charité rassemble huit chars, dont le Char de la Marine et le Char des Pauvres, ainsi que plusieurs centaines de Seigneurs et Chevaliers, Diables et Diablotins, et autres Arlequins et Colombines. Le tout dans une ambiance festive et musicale remplie de joie et de bonne humeur.

Curieusement, le carnaval de Granville ne fut pas le seul à s’organiser à cette époque. On peut notamment noter le carnaval de l’an 8 (février 1800) à Coutances, le carnaval d’Avranches dont les plus belles éditions eurent lieu en 1854, 1861 et 1865, ou encore la grande fête du siècle à Saint-Hilaire-du-Harcouët en 1867. Celui de Granville est cependant le seul à avoir perduré aussi longtemps, fêtant ainsi sa 150e édition en cette année 2024.

Le Carnaval fut sauvé par les commerçants

A la fin du XIXe siècle, le carnaval de Granville se portait mal. La faute, sans doute, au déclin de la Grande Pêche vers Terre-Neuve : en 1893, 27 navires seulement quittèrent le port en direction des bancs de morue, contre une bonne quarantaine dans les années 1870. Et avec la baisse des marins présents, on ne pouvait s’empêcher de remarquer que l’ambiance était moins gaie, plus morose. En 1895, les masques n’étaient plus au rendez-vous à mardi-gras, excepté quelques déguisés s’en allant vers les bals publics. Et en 1896, la grande cavalcade fut d’une telle monotonie qu’on parlait déjà de la fin du carnaval. La population commençait sérieusement à s’inquiéter, et notamment les commerçants, qui voyaient avec la disparition des festivités une chute majeure de leurs chiffres d’affaires.

Le 19 janvier 1897, on décida donc d’agir : une pétition, signée par plusieurs centaines de granvillais, fut adressée à la municipalité, exigeant aux conseillers d’organiser pour cette année des fêtes ou des rassemblements musicaux qui permettraient d’attirer de nouveau l’attention sur la ville. Face à l’élan de sympathie engendré par cette pétition, la mairie débloqua une somme de 400 francs pour décorer et illuminer les rues de la ville à l’occasion du carnaval.

Une Commission spéciale, dédiée à l’organisation des festivités, fut également créée au sein de la municipalité et dès l’année suivante, elle participa activement à la revitalisation du carnaval. Et cette même année, le tout premier Roi du carnaval, offert par le directeur du casino, fit son apparition. Le carnaval fut sauvé.

Le Roi du Carnaval fut rejoint par une Reine

En janvier 1920, le projet de relance du carnaval de Granville fut accueilli avec joie et bonheur par une population encore meurtrie par les atrocités de la Grande Guerre. Et lors d’une réunion préparatoire, Gaston Gros, directeur du journal L’Avenir Républicain, proposa l’élection d’une « reine des reines de Granville ». Cette « Reine de la Victoire », symbole d’espoir et d’une vie meilleure, devait ainsi venir remplacer le roi Carnaval dont le mannequin commençait à manifester des signes d’usure. Le projet finit par tomber à l’eau mais ne fut pas pour autant oublié.

Trois ans plus tard, Auguste Berthelot, conseiller municipal, remis l’idée au goût du jour en proposant, pour le carnaval de 1923, l’élection d’une Impératrice et de ses deux demoiselles d’honneur. L’assemblée, cette fois, fut unanime dans son enthousiasme, et le 12 janvier 1923, Odette Roche fut élue, devenant Odette 1ere, Impératrice de l’Etat Libre de Granville. Elle devint ainsi la première d’une longue lignée de « Dames de Granville », dont l’appellation allait plusieurs fois changer mais dont la tradition demeurerait inébranlable.

Le Carnaval accueillit la République de Montmartre

L’édition de 1923 du carnaval de Granville sera inscrite dans les annales comme étant une des plus importantes de sa jeune histoire, du fait de deux évènements phare qui l’auront marqué. Le premier, comme cité précédemment, est l’élection d’une Impératrice accompagnant le Roi de carnaval. Et le deuxième, est la visite en cette année 1923 de la très glorieuse et illustre République de Montmartre à la ville de Granville.

Cette République pas comme les autres, fondée deux ans auparavant sur la Butte du quartier de Montmartre, a déjà beaucoup fait parler d’elle lorsqu’elle vient à Granville. Créée à la base par Poulbot, Forain, Neumont et Willette, quatre peintres et dessinateurs parisiens, elle a avant tout pour vocation de réunir les artistes, sculpteurs, poètes et musiciens de la Butte dans un lien de solidarité artistique et de « faire le bien dans la joie ». Sa vocation est donc artistique, mais aussi caritative, notamment dans une période d’entre-deux guerres où le principe même des services sociaux est totalement inexistant. A travers ses actions de philanthropie, la jeune République espère ainsi aider les plus démunis de la Butte Montmartre, notamment les enfants, en leur apportant repas et aide médicale.

La rencontre entre la République de Montmartre et le carnaval de Granville, deux entités reconnues pour leurs activités caritatives, est donc un évènement exceptionnel qui va entrer dans l’histoire de la ville. Cent ans plus tard, en 2023, la République reviendra d’ailleurs à Granville, le temps d’apposer sur la façade de la mairie une plaque célébrant l’alliance entre ces deux grandes fondations culturelles.

Le mauvais temps repoussa la Cavalcade

En cent cinquante ans d’existence, le carnaval de Granville aura finalement vu très peu d’éditions annulées. Les deux grands conflits du XXe siècle auront bien entendu mis en pause les festivités. Les risques d’attentat liés à la Guerre du Golfe ont également entrainé la suppression de l’édition de 1991, et plus récemment, c’est le monde tout entier qui s’est arrêté avec la crise du Covid-19.

Il en faut donc beaucoup pour empêcher les granvillais de célébrer leur carnaval, et ce n’est certainement pas une météo capricieuse qui va les ralentir. La période de l’année n’est pourtant pas propice à faire la fête sous le soleil : à Granville, les mois de février et mars riment davantage avec la pluie qu’avec le beau temps. Mais qu’il drache ou qu’il vente, la grande cavalcade défilera toujours !

Toujours…sauf deux fois. En 1972, le dimanche 13 février (mauvaise augure s’il en est !), une tempête d’une rare violence arrive par l’Ouest et débarque sur tout l’Hexagone. Malgré ce coup de vent à déraciner des arbres, les granvillais gardent la motivation, mais ce sont les polices d’assurance qui vont s’interposer, affirmant avec sagesse qu’il serait préférable de repousser la cavalcade à une date ultérieure. Les chars sortiront donc bien pour ce carnaval, mais le dimanche 30 avril seulement, deux mois et demi après.

Le deuxième report eut lieu quelques années plus tard, en 1985. Cette fois, c’est la neige, éternel ennemi du peuple granvillais, qui s’est déchaînée sur la ville ce dimanche 17 février, et la sortie des chars est tout bonnement impossible. Il faudra donc attendre le dimanche 3 mars pour admirer, sous une pluie battante cette fois-ci, la grande cavalcade de cette 111e édition du carnaval.

Les enfants de Granville s'inscrivirent dans la tradition

En 2005, Jean-Pierre Doron, sculpteur sur métal et grand habitué du carnaval, arrive à la tête du nouveau Comité organisationnel de l’évènement. A cette occasion, et dans l’optique d’impliquer davantage les nouvelles générations de granvillais et granvillaises dans la chose, un grand concours est organisé par le Comité et proposé aux écoles du territoire. La mission des jeunes écoliers et écolières est simple : imaginer l’affiche du prochain carnaval de Granville.

En individuel ou en groupe, chacun s’attèle donc à créer des œuvres plus colorées et festives les unes que les autres, et après une première sélection de 10 affiches par le Comité d’organisation, la grande gagnante est désignée et présentée au peuple.

L’opération est un succès. L’engouement des enfants pour ce concours est d’ailleurs tel, que le comité d’organisation n’hésite pas une seule seconde à reproposer l’opération pour les festivités de l’année suivante. Et aujourd’hui, le concours d’affiche s’est définitivement inscrit dans la tradition du carnaval de Granville.

Le Carnaval fut classé à l'UNESCO

Le 2 décembre 2016, le carnaval de Granville est officiellement inscrit sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel (ou PCI) de l’UNESCO. Une grande victoire pour le Comité d’organisation, les carnavaliers et la ville de Granville, qui voient en cette inscription la récompense de près de sept ans de recherches et de démarches administratives.

Pourtant, lorsque la notion est proposée par le Comité à l’automne 2009, la partie n’était pas forcément gagnée d’avance. Non pas que les carnavaliers n’étaient pas enthousiaste à l’idée de recevoir un label valorisant leur évènement, mais le fait est qu’en 2009, le concept de patrimoine culturel immatériel est encore relativement obscur. Peu de granvillais savent réellement de quoi il s’agit, et la France elle-même n’a ratifié que très récemment la convention de l’Unesco s’y rapportant.

Malgré ce petit « obstacle », le Comité s’engage pleinement dans son projet, faisant notamment appel à la Direction des patrimoines ainsi qu’au Centre régional de culture ethnologique et technique de Basse Normandie pour l’aiguiller dans les démarches administratives. Un long travail de recherche est également effectué, afin de convaincre au mieux le Comité intergouvernementale de sauvegarde du PCI de la légitimité de la demande. Et après l’envoi du dossier et une longue période de délibération, enfin, c’est la consécration.

Pour en savoir plus sur le Carnaval de Granville
Fermer