Une pêcherie de Granville Terre et MerUne pêcherie de Granville Terre et Mer
©Une pêcherie de Granville Terre et Mer|OTGTM
Les pêcheriessur le territoire de Granville Terre et Mer

Découvrir les pêcheries

Qu’est-ce qu’une pêcherie ? Beaucoup peuvent en effet se poser la question : ça n’est pas un outil que l’on croise régulièrement, et peu d’amateurs de pêche à pied vont profiter de ces installations rustiques, préférant des outils manuels pour un meilleur contrôle sur ce qu’ils vont attraper. Et pourtant, pendant plus de 2000 ans, les professionnels de la pêche prônant l’activité pédestre vont installer plusieurs dizaines de ces grandes structures un peu partout dans la Baie du Mont Saint-Michel.

Pêcheries

en bois ou en pierre

Si du côté breton, notamment à proximité de Cherrueix et de Cancale, on choisit d’élever des pêcheries en bois, les normands vont eux privilégier l’utilisation de la pierre pour construire leur outil de travail. Dans tous les cas cependant, la forme et la technique restent fondamentalement les mêmes : une grande structure en V qui se remplit lorsque la marée monte et qui, à marée descendante, piège les poissons et crustacés apportés par la mer. Les pêcheurs se placent alors à la jonction des deux branches du V, ouvrent la trappe qui créé l’effet de barrage de la structure, et « cueillent » les résultats de leur pêche à l’aide d’un filet installé préalablement devant l’ouverture.

Le choix de construire des pêcheries dans la Baie du Mont Saint-Michel n’est pas non plus anodin. En effet, la Baie est un environnement qui présente une immense diversité d’espèces aquatiques. En plus d’être une nurserie pour beaucoup de poissons locaux, c’est aussi un lieu de traversée pour les espèces migratrices comme le saumon ou l’anguille. Et les courants puissants des plus grandes marées d’Europe empêchant les meilleurs navigateurs de partir à la pêche en bateau, les habitant de la Baie vont donc rapidement choisir de se tourner vers une technique plus adaptée à ces marées afin de profiter de la ressource extrêmement riche de cet environnement.

C’est pour cette raison qu’on trouve à Saint-Jean-le-Thomas des traces de pêcheries vieilles de plus de 4000 ans. Sur le territoire de la Destination cependant, c’est à Champeaux que se trouvent les plus anciennes structures, construites entre le VIe et le IXe siècles. La deuxième charte de fondation de l’abbaye de la Lucerne, datant de 1162, atteste également d’une pêcherie en bois sur la commune de Bouillon, aujourd’hui rattachée à Saint-Pair-sur-Mer. Les recherches archéologiques menées sur les lieux alentours montrent d’ailleurs que beaucoup des pêcheries antérieures au XVIIe siècle privilégiaient l’utilisation du bois dans leur construction, un matériau assez peu onéreux et facilement accessible.

La grande majorité des pêcheries du territoire construites après le XVIIIe siècle vont cependant présenter une structure plus solide en pierre. Ce changement est dû à plusieurs ordonnances et arrêtés royaux publiés à partir des années 1680, imposant un contrôle plus strict sur la pêche à pied.

La majorité des pêcheries visibles encore aujourd’hui sur la Destination, présentent donc une construction en pierre sèche, sans utilisation de ciment ni mortier pour lier les appareils. La législation établie à partir de 1681 impose également l’utilisation d’un filet suffisamment large, permettant aux juvéniles et aux poissons trop petits de passer à travers les mailles. Malgré de nombreuses inspections, peu de pêcheurs vont cependant respecter ces tailles de filet, causant la colère des autres professionnels de la mer.

Depuis le XVIIe siècle, les pédestres sont en effet accusés de détruire les ressources du fait d’un non-contrôle sur les espèces pêchées. Le système de piégeage des installations implique que toutes sortes de poissons et crustacés, adultes et juvéniles, se retrouvent coincés dans les pêcheries, et les pêcheurs n’ont la possibilité de faire le tri que lorsque la trappe est ouverte. À cela vient se rajouter l’absence de quotas, entrainant une pratique de surpêche et des accusations de concurrence déloyale par les pêcheurs en bateau.

Malgré ces désaccords, les pêcheurs pédestres vont continuer leurs pratiques de pêche non-sélective. Une sorte de pied-de-nez symbolique dirigée à la fois vers les navigateurs, mais aussi vers la législation de 1681, qui offre un statut très ambigu aux hommes et femmes exploitant les pêcheries. En effet, bien que considérés comme des professionnels de la pêche, ceux-ci ne sont pas inscrits au régime des classes, un système de listage administratif permettant de recenser tous les acteurs de la pêche. Ils ne disposent donc pas des éventuels avantages qu’obtiennent les autres professionnels de la mer.

Les pêcheurs à pied vont d’ailleurs souffrir longtemps de leur statut si particulier. Ce n’est que depuis le 11 mai 2001 qu’ils disposent enfin d’une situation administrative officielle, soit 320 ans après la première législation, et à une époque où très peu de pêcheurs à pied professionnels sont encore actifs.

Aujourd’hui, la pêche à pied est devenue une activité de loisirs. La mise en place de quotas extrêmement strictes, ainsi que l’obligation de respect des « saisons » pour certaines espèces, ne permettent pas aux pêcheurs de pratiquer une activité rentable. Pour cette raison, certaines pêcheries non-utilisées sont aujourd’hui tombées en désuétude. L’ensablement naturel de la Baie du Mont Saint-Michel entraine également la disparition de certaines de ces structures.

Il y a donc un gros travail de conservation pour préserver le savoir-faire lié aux pêcheries du territoire. Heureusement, plusieurs associations œuvrent aujourd’hui pour que ce patrimoine continue d’exister. À Granville notamment, la pêcherie située en face du Plat Gousset est gérée par l’association des Amis de la pêcherie de la Tranchée. Et à Saint-Pair-sur-Mer, quatre des pêcheries sont encore des propriétés privées et gérées par des familles locales.

Il est d’ailleurs possible de visiter ces pêcheries et de partir à la découverte de ce savoir-faire ancestral. Ainsi, Xavier Huet, exploitant de la pêcherie « Garnier » de Saint-Pair-sur-Mer, organise régulièrement des sorties découvertes, pour le public individuel et scolaire.


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