Villa balnéaire à JullouvilleVilla balnéaire à Jullouville
©Villa balnéaire à Jullouville|Estelle Cohier
Le patrimoine balnéairede Granville Terre et Mer

Les villas balnéaires

Avec l’avènement des bains de mer au 19e siècle – courant qui va naître en Angleterre et qui va très rapidement toucher les côtes normandes – le paysage architectural va évoluer dans les communes situées sur le littoral.

La mode des

bains de mer

La mode des bains de mer est relativement récente. Avant le 19e siècle, les bains dans la mer ne semblent guère avoir été pratiqués, sauf dans les cas exceptionnels où certains médecins les prescrivaient pour tenter d’atténuer ou de guérir des maux rebelles aux médications habituelles.

S’il faut en croire Madame de Sévigné, on considérait au 17e siècle que les bains de mer pouvaient être efficaces contre la rage du corps et de l’esprit.

Prescrite donc au départ pour ses vertus thérapeutiques, la cure n’est pas ludique du tout pour les patients ! Les bains sont pris en général en automne ou en hiver dans une eau qui ne dépasse pas les 10°C, et de préférence le matin à jeun.

Le patient est placé entre les mains d’un baigneur qui le plonge sous l’eau au moment où la vague se brise, pour lui faire éprouver l’émotion de la noyade. C’est le bain à la lame… Rien de tel pour resserrer les pores et faire circuler le sang !

Le phénomène des bains de mer pour le plaisir apparaît et s’accentue avec l’avènement du chemin de fer. Le réseau ferroviaire français se développe dans la seconde moitié du 19e siècle. En 1870, la ligne de train Paris-Granville est créée, et vient relier les deux villes en « seulement » 9h.

En 1908, les trains dit « du plaisir » sont créés reliant Granville, Avranches et Sourdeval, en passant par Saint-Pair-sur-Mer.

Dès la fin du 19e siècle et tout au long du 20e vont alors se construire des hôtels, des casinos, mais aussi de nombreuses villas de bord de mer pour personnes fortunées. C’est l’âge d’or des villas balnéaires sur les communes de Donville-les-Bains, Granville, Saint-Pair-sur-Mer, Jullouville et Carolles, du nord au sud de la Destination.

L’activité balnéaire est aujourd’hui une force majeure dans l’attractivité touristique du territoire de Granville Terre et Mer. Chaque année, des visiteurs de toute la France et du Monde entier se tournent vers la Destination pour profiter de ses plages de sable fin et piquer une tête dans les eaux de la Manche. Cette activité du bain de mer ne date cependant pas d’hier, et la baignade était jadis recommandée par les plus grands médecins français pour ses vertus thérapeutiques.

Ainsi, dès la fin du XVIIIe siècle, les chroniques locales attestent d’un nombre croissant de locaux, qu’ils soient granvillais, donvillais ou saint-pairais, trempant leurs pieds, voir même leurs corps tout entier dans la mer.

Cette nouvelle approche médicale d’origine anglaise (des habitants de Brighton se baignaient déjà au milieu du XVIIIe siècle) va peu à peu gagner du terrain, et on voit apparaitre les premiers établissements français de bains de mer à fins thérapeutiques dans les années 1820.

À Granville, c’est en 1826 que se construit le premier « Salon de bains ». Et bien que modeste à l’époque, cette petite bâtisse est aujourd’hui considérée comme un des précurseurs du boom architectural balnéaire qui va toucher les côtes de la Manche.

À partir des années 1830, l’activité du bain de mer devient de plus en plus réglementée. À la fois d’un point de vue médical, avec l’écriture et la publication d’ouvrage scientifiques et de guides pour la bonne pratique thérapeutique du bain de mer. Mais aussi d’un point de vue législatif, puisqu’en 1837, la mairie de Granville va créer une Police des Bains de Mer, imposant ainsi des règles strictes sur les pratiques des baigneurs.

Il faut dire que l’activité balnéaire, vue à l’origine comme une cure médicinale, va peu à peu se développer au sein de la société française au point de devenir un plaisir, une activité à la mode qu’il faut suivre. De nombreuses villes côtières vont donc voir une hausse démographique sur la période estivale avec des visiteurs de différents horizons.

À Granville, les mois d’été, jadis mornes et sans grande activité du fait de l’absence des terre-neuviers, deviennent subitement des moments de vie et apportent un boost à l’économie. L’arrivée du train en 1870 marque également un tournant dans l’activité de la ville : subitement, c’est un tout nouveau pan de la population française qui a accès au monde balnéaire et aux plaisirs du bain de mer.

Pour accueillir et accompagner ces nouveaux arrivants, des constructions modernes font leur apparition : hôtels, salles de spectacles et casinos poussent comme des champignons. Autour de la plage de Granville notamment, on voit se développer un bâti nouveau, destiné au confort des visiteurs et à l’activité balnéaire. De grands hôtels comme le Normandy et l’Hôtel des Bains, empruntant des caractéristiques architecturales au style balnéaire anglais ; un casino, d’abord éphémère puis permanent, présentant sous sa forme définitive de 1911 une architecture type art-déco ; et surtout une longue digue, destinée au plaisir de la promenade en bord de mer, et présentant un nom pour le moins curieux : la promenade du « Plat-Gousset ».

Alors que certains plaisanciers profitent des logements proposés par les propriétaires d’hôtels sur le territoire, d’autres préfèrent investir dans la construction de leur propre habitat, dans l’optique d’avoir un pied à terre à Granville ou dans une des communes voisines. Commence alors une nouvelle mode, celle des villas balnéaires, où chacun s’inspire librement de styles architecturaux passés et présents pour construire son petit morceau de paradis.

À Granville notamment, on voit apparaitre des petites maisons sur les falaises, surplombant la future plage du Plat-Gousset, et présentant un mélange de caractéristiques anglo-françaises. Et dans la Haute Ville, une maison en particulier se démarque des autres : la Maison du Guet, sorte de melting-pot architectural médiéval construit en 1908, et que beaucoup considèrent aujourd’hui comme symbole du bâti granvillais. Et ce, alors qu’elle est la seule à présenter ce style aussi unique.

Autour de Granville, les communes du littoral voient également du changement au niveau de leur bâti. A Donville, rebaptisée Donville-les-Bains en 1907 du fait de l’engouement local pour le balnéaire, un hôtel est construit au nord de la plage, elle-même aménagée pour accueillir une longue digue-promenade.

Et à Saint-Pair-sur-Mer, un nouveau quartier commence à se développer dès le milieu du XIXe siècle, avec des petites villas dont le style fantaisiste et polychrome rappelle davantage les chalets en bois de Suisse ou de Franche-Comté que les maisons typiques de Normandie. Ce Nouveau Saint-Pair constitue d’ailleurs un incontournable pour celui qui souhaite découvrir le petit village aujourd’hui : le « Chalet des Pins » ou le « Belvédère », dans la rue de Scissy, sont notamment deux exemples parmi les nombreux témoins de cette mode de la villa balnéaire.

Jullouville, enfin, est un cas particulier sur le territoire, puisque c’est une ville qui a été créée de toute pièce, exclusivement dans le but d’accueillir et d’accompagner les plaisanciers. Son histoire commence en 1876, avec l’achat par un promoteur local de 40 ha de terrains dunaires. Ce promoteur, du nom d’Armand Jullou, a pour projet d’y implanter une toute nouvelle station balnéaire.

Un hôtel est d’abord construit, puis trois voies sont édifiées au départ de cet établissement : telle une église dans un petit village français, l’hôtel devient ainsi le point de rencontre et de retrouvailles de la future station. Petit à petit, les terrains sont ensuite revendus, et des villas commencent à apparaitre de part et d’autre de l’hôtel. Des maisons qui, pour la plupart, mélangent des matériaux locaux, tel du schiste ou du granit, avec des éléments plus rares, comme du bois ou de la brique. Chaque propriétaire va en effet chercher à se démarquer des autres à travers sa bâtisse, allant même jusqu’à faire appel à des architectes de renom pour en dessiner les plans.

Malgré quelques soucis financiers rencontrés par Armand Jullou, qui se voit obligé de confier son projet aux nouveaux propriétaires des parcelles vendues, la station continue à se développer dans les années qui suivent. Elle subit d’ailleurs un gros boost avec l’arrivée en 1908 du « petit train de la côte » qui relie Granville à Sourdeval, et l’installation d’une gare à Carolles Plage. La ville de Jullou devient ainsi plus accessible pour de nouveaux promoteurs cherchant à construire sur le territoire.

Aujourd’hui encore, Jullouville est une station qui continue à se développer, tout en restant conscient de ce patrimoine balnéaire qu’elle va chercher à préserver. Elle est le symbole de l’histoire du bain de mer sur la Destination, et son éclectisme architectural attire des milliers de visiteurs tous les ans.


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