Pouvez-vous en quelques mots vous présenter, présenter votre activité et votre parcours ?
Je m’appelle Fabien Lefebvre, je suis sculpteur autoproclamé depuis 1973 et je tiens le « Bazar » dans la Rue des Juifs. Je suis fabriquant avant tout : le travail des mains, c’est ma caractéristique. L’envie de fabriquer, c’est ce qui me tient à cœur. Et ce qui est fantastique avec l’artisanat, c’est que ça peut aller dans le pur et simple, type plomberie, ou au contraire on peut injecter toutes sortes de choses, des concepts, ajouter de l’émotion, et on peut aussi s’engager. J’ai toujours cultivé aussi l’art de la récup’ : à la campagne, je récupérais beaucoup de bois, et une fois arrivé ici à Granville, j’ai récupéré beaucoup de ferrailles sur le port.
Mon travail est d’ailleurs beaucoup tributaire de ce que je récupère ou de ce qu’on me donne. Ces objets qui ont vécu, ces épaves, j’essaie de leur redonner vie, et en même temps je bénéficie de l’apathie de ces objets.
Vous parliez du port, c’est dans ce contexte que vous avez créé la Nuit des Soudeurs ?
Oui, il y avait un très gros transit de ferraille en direction de l’Espagne et du Portugal, et dans ces immenses tas les artisans allaient chaparder des morceaux pour créer leurs œuvres. Et ça m’a donné envie de créer un festival in-situ. Et l’idée sous-jacente était aussi de défendre ces métiers du monde industriel et du port de commerce : j’avais ce souci de défendre une autre ville, une ville que les gens ont tendance à oublier. Alors que beaucoup d’histoires existent grâce à cette ville : l’histoire de Dior, notamment, de sa famille qui a fait fortune dans l’engrais. Le passé industriel de Granville fait partie du passé de Granville.
Parlons un peu de votre galerie.
Je ne sais pas si on peut parler d’une galerie. Pour moi une galerie c’est quelque chose qui est destiné à être « super clean » et à mettre les œuvres en valeur, avec des beaux éclairages, et qui doit sacraliser chaque pièce. Ici c’est un peu le contraire, c’est pour ça que je l’ai appelé le « Bazar ». Il y a un esprit d’accumulation, de tous ces objets qui se sont rajoutés avec le temps, d’autant que je suis arrivé ici en 1993. À cette époque, la rue des Juifs se cassait un peu la figure, beaucoup de commerces et boutiques ont fermé. Les baraques n’étaient donc pas chères, c’est pour ça que je me suis installé ici.
Et puis fort heureusement, avec le temps, d’autres créateurs se sont installés, et la rue a pris une nouvelle couleur assez sympathique. Il y a aujourd’hui une bonne effervescence artistique et créative. Et il y a des jeunes qui arrivent toujours, avec un renouvellement de l’offre. Je me retrouve à être aujourd’hui le plus vieux tenancier de commerce de la rue des Juifs !
Et au-delà de votre Bazar et de la Nuit des Soudeurs, vous faites aussi partie d’un collectif ?
J’aime bien ne pas être enfermé dans un compartiment, avoir l’opportunité de fouiner dans tous les secteurs, et j’ai donc créé une troupe de carnaval qui s’appelle « La Vie en Rose » : le parti-pris, c’était et c’est toujours de participer à une fête ultrapopulaire en injectant un volet artistique. Bien souvent, on a des références artistiques sur notre char qui parlent ou ne parlent pas aux gens : c’est ça qui est intéressant, de mélanger les choses qui n’ont rien à voir, de secouer un peu le cocotier pour voir ce qui se passe. Et ce qui est important aussi pour moi c’est le partage, avec la Nuit des Soudeurs, avec « La Vie en Rose ».
Une dernière question : comme nous faisons cet entretien dans le cadre de la visite insolite Pinceaux et Fourchettes, y a-t-il un restaurant en particulier que vous aimez et que vous souhaiteriez conseiller à nos visiteurs ?
Il y a un lieu que j’aime beaucoup, où on trouve des choses un peu alternatives, c’est le P’tit Fourbi dans la rue Couraye. J’aime bien parce que ça défend une cuisine un peu populaire, un peu punk.